Jeunes actrices des années 60
Un grand nombre de jeunes actrices passionnantes ont travaillé en France à la fin des années 50 et au début des années 60. Françaises ou étrangères, elles ont tourné avec de jeunes cinéastes tout autant qu'avec des auteurs plus anciens et elles ont fait une partie de leur carrière à l'étranger. Nées entre 1935 et 1945, leurs débuts s'échelonnent de 1956 à 1964. La plupart d'entre elles ont été malheureusement des étoiles filantes dont la carrière s'est interrompue bien trop tôt.
En voici quelques-unes parmi mes préférées:
Avant la Nouvelle Vague débute Mylène Demongeot, blonde et très douée, avec de l'humour et une voix bien à elle (Les sorcières de Salem, Faibles femmes, Bonjour tristesse, A cause à cause d'une femme, La notte brava, Fantômas...). Et la brune Jacqueline Sassard, avec son air de jeune fille sage (Guendalina, Faibles femmes, Accident, Les biches).
Entre l'ancienne et la nouvelle vague, il y a Pascale Audret, pure et intense (L'eau vive, Dialogue des carmélites, Pleins feux sur l'assassin) et Michèle Girardon, la nonchalante (La mort en ce jardin, Hatari, La boulangère de Monceau, Le signe du Lion, Vacances portugaises).
Pascale Petit, brune, nerveuse, fragile, considérée en son temps comme une des figures de proue de la Nouvelle Vague, a en fait plutôt tourné avec des anciens (Les Tricheurs, Faibles femmes, Une fille pour l'été). Juliette Mayniel, aux très beaux yeux clairs, débute avec Chabrol et fait l'essentiel de sa carrière avec de jeunes metteurs en scène avant de partir en Italie (Les cousins, Ophélia, Un couple, A cause à cause d'une femme).
Les deux plus mystérieuses sont la très belle Danoise Annette Stroyberg, épouse de Vadim, à la fois somptueuse et réservée (Les liaisons dangereuses 1960, Et mourir de plaisir, Ame noire, Un soir par hasard, Les don Juans de la Côte d'Azur) et Marie Laforêt à la voix magique (Plein soleil, La fille aux yeux d'or, Saint-Tropez Blues, Marie-Chantal contre le Dr Khâ, A cause à cause d'une femme), qui abandonnera le cinéma pour la chanson.
Et encore une pléiade de belles étrangères qui ont commencé leur carrière dans leurs pays respectifs et illuminent le paysage cinématographique français. Avant tout, Jean Seberg, la petite Américaine aux cheveux coupés très court, à l'accent délicieux (Bonjour tristesse, Sainte Jeanne, A bout de souffle, La récréation, Les grandes personnes, Lilith). Et aussi deux Italiennes: la piquante Elsa Martinelli, très «jeune femme moderne» (Et mourir de plaisir, Hatari, La notte brava, De l'amour, L'Or du Duc, La rivière de nos amours), la très réservée Lea Massari (L'avventura, Une vie difficile, L'insoumis, Le souffle au cœur, La femme en bleu, Allonsanfan).
Mais encore la très jeune Anglaise Jill Haworth, fragile et limpide, presque une petite fille (Exodus, A cause à cause d'une femme) et la superbe Daliah Lavi, Israélienne ayx yeux de faon (Cyrano et d'Artagnan, Candide). Et une Belge à la séduction adolescente qui fera surtout carrière en Italie: Catherine Spaak (Les adolescentes, Le fanfaron, Le chevalier de Maupin).
Et puis une magnifique actrice à la chevelure cuivrée, pétillante et douée, ambitieuse et intelligente, à qui tout le monde prédit une grande carrière: Françoise Dorléac (La peau douce, Cul-de-sac, L'homme de Rio, Les demoiselles de Rochefort) qui, hélas! mourra tragiquement à 25 ans.
Egalement Delphine Seyrig, l'enchanteresse à la voix de violoncelle, qui fera une longue carrière mais pas toujours dans des rôles importants: ses débuts annonçaient mieux (L'année dernière à Marienbad, Muriel, Peau-d'Ane, Baisers volés, India Song, Aloïse, Les lèvres rouges, Jeanne Dielman, Le charme discret de la bourgeoisie).
Et aussi les égéries de Pierre Kast: Françoise Prévost, la brune racée, un peu amazone (Le bel âge, La morte-saison des amours, Paris nous appartient, La fille aux yeux d'or, Le jeu de la vérité) et Alexandra Stewart, Canadienne anglophone au corps de sportive ( Le bel âge, La mort de Belle, Exodus, Les mauvais coups, Le soleil en face).
Et les héroïnes de Georges Franju: la blonde et douce Edith Scob (Les yeux sans visage, Judex) et Francine Bergé, la brune maléfique (Judex, Les abysses).
Danièle Gaubert, qui débuta très jeune, a eu la malchance de ne plaire qu'à la vieille garde (Les régates de San Francisco, Terrain Vague). Malgré des dons évidents et son charme de blousonne noire, elle ne sera qu'un feu de paille. Macha Méril, par contre, blondeur slave et charme piquant, saura passer des anciens aux nouveaux, de Gérard Oury à Godard, avec la même maestria (La main chaude, Adorable menteuse, Le repos du guerrier, Une femme mariée, Au pan coupé, L'Horizon).
Ving-deux noms. Elles étaient bien jolies et bien douées, ces jeunes femmes des années 60. Il reste de chacune une poignée de films où on les découvre encore aujourd'hui avec émotion et émerveillement.
Je n'ai pas cité celles qui ont fait une vraie carrière et dont le succès a été durable – parfois jusqu'à aujourd'hui: Marina Vlady, Romy Schneider, Catherine Deneuve, Anna Karina, Bernadette Lafont, Stéphane Audran, Bulle Ogier...
On a pu voir aussi cette espèce de miracle: la soixantaine venue, deux d'entre elles ont refait surface et jouent à nouveau. Ce sont Edith Scob et Mylène Demongeot.
Mais Pascale Audret, Françoise Prévost, Michèle Girardon, Delphine Seyrig, Annette Stroyberg, Danièle Gaubert, Jean Seberg, sont mortes. Et d'autres, telles Juliette Mayniel, Francine Bergé, Jacqueline Sassard, Daliah Lavi, Elsa Martinelli, Lea Massari, Jill Haworth, semblent avoir disparu corps et biens et je ne sais rien de ce qu'elles sont devenues.
Il serait intéressant de revoir aujourd'hui deux films où l'on retrouve , jouant ensemble, plusieurs d'entre elles:
Faibles femmes, de Michel Boisrond (1958). Mylène Demongeot, Pascale Petit et Jacqueline Sassard face à un très jeune Alain Delon.
A cause, à cause d'une femme, de Michel Deville (1963). Juliette Mayniel, Mylène Demongeot, Marie Laforêt et Jill Haworth face à un non moins jeune Jacques Charrier.